L'Atelier TUFFERY, un savoir-faire familial, à Florac (1ière partie)
- Par nbesse
- Le 28/09/2024
- Dans Art de Vivre
UK - Fière du savoir-faire de trois générations, l'Atelier TUFFERY, à Florac, cultive le fait main français.
Volonté de conserver une fabrique artisanale au cœur du territoire occitan, tout en s'alliant l'expertise de partenaires régionaux, comme les matières premières provenant de Bretagne, du Tarn ou le partenariat engagé avec la Maison Fabre dans l'Aveyron, l'Atelier TUFFERY représentent aussi un acteur économique majeur de Lozère.
VISITE GUIDEE
Bonjour Myriam, et bienvenue dans la rubrique Art de Vivre du blog,
Vous avons pu visiter en votre compagnie l'Atelier TUFFERY, que vous dirigez en compagnie de votre mari. Un grand merci à vous pour cette belle découverte de votre quotidien.
L'Atelier TUFFERY, c'est donc une entreprise familiale fondée en 1892 à Florac par «Célestin Tuffery, véritable pionnier du jean français». Ce dernier «commence par créer dès la fin du 19e s un vêtement de travail teint à l’indigo... fonctionnel et robuste», signant par là même le tout début du jean cévenol.
Aujourd'hui, c'est votre tour, en tant que 4e génération, de perpétuer la tradition tant familiale que qualitative. La décision de reprendre l'entreprise s'est-elle faite naturellement ou est-ce une reconversion?
Nous avions tous les deux des postes intéressants de cadres-ingénieurs quand la question de la reprise/suite de l’entreprise familiale s’est posée. Vous devez donc vous demander «Mais pourquoi cette folie de reprise», alors que l’artisanat et les activités manufacturières il y a 10 ans de ça en France n’avaient pas la côte ?
La 3ème génération, soit celle qui nous a précédée (le père et les oncles de Julien) a été résiliente. Malgré les difficultés rencontrées par le secteur textile suite aux vagues de mondialisation et donc de délocalisation de la production textile débutées dans les années 70, ils ne se sont jamais arrêtés de produire. Malgré tout, Julien, comme beaucoup de fils d’artisans nés dans les années 80, n’a pas du tout été poussé par ses parents à apprendre le métier de tailleur-confectionneur. Ce n’est plus alors un métier d’avenir. Bon élève à l’école, il suit un parcours classique, filière générale scientifique et devient ingénieur dans le traitement des Eaux et l'Environnement. Avec une carrière dans un grand groupe qui avait bien commencé, rien ne le prédisposait à reprendre l'entreprise familiale.
Un parcours universitaire semblable au mien en somme. J'ai effectué mes études dans la même école d’ingénieur, suivant un cursus Agroalimentaire pour ma part et réfléchissant, à, l’époque, à l'intérêt du choix d'un poste prenant à responsabilité.
Comme beaucoup d’actifs actuellement, nous rencontrions de plus en plus un éloignement notable entre les décisions prises dans les plus hautes sphères et notre bon sens: Notre place, notre utilité dans la société au travers de nos carrières et, de façon plus globale, notre impact sur la planète. On s’intéressait de plus en plus à la provenance des biens de consommation et remettions en question des systèmes établis, notamment «Pourquoi un produit fait-il trois fois le tour du globe avant d’arriver dans nos placards? ou encore Quel est le vrai prix d’un produit, quelles sont les chaînes de valeur ?»
Cette quête de sens a fait écho en 2012 avec l’essor de la communication autour du made in France. La question de la traçabilité des produits, de la réindustrialisation de la France et de la consommation responsable ont pris de plus en plus d’ampleur.
Tous ces voyants étant au vert et après beaucoup de travail de l’ombre, de transmission et de réflexion sur la création d’un modèle économique adapté et innovant, nous avons racheté et redéveloppé en 2016 (officiellement) l’entreprise Tuffery.
Un nouveau départ ! Nous voulions une manufacture innovante, plaçant l’humain au cœur de l’activité avec pour «mantra» les mains qui fabriquent sont celles qui vendent. Une fabrication responsable en conclusion, transparente, avec une chaîne de valeur la plus performante possible en termes environnemental et sociétal, sans réduire la qualité et l’esthétisme de nos produits.
Bon à savoir : Retrouvez l'Atelier TUFFERY du 10 au 13 octobre à Uzès au Festival Saveurs et Savoirs et ce, pour la deuxième année consécutive. puis au sein d'une boutique éphémère à Aix-en-Provence du 28 septembre au 5 octobre.
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Au fil des époques, les besoins et les attentes des clients ont changé, voire se sont affinés. Maintenant, qualité doit rimer avec éthique et fait en France.
Comment avez-vous défini les innovations à apporter à la marque, à la fabrication ? Comment les oncles de votre mari, qui collaborent toujours au sein de l'atelier, vous soutiennent-ils dans votre recherche d'excellence. Vous conseillent-ils entre autres en matière de choix de tissus, de fournisseurs, d'amélioration à apporter à la fabrication, partageant ainsi leur riche expérience ?
Bien sûr, notre atout majeur à nous, la 4ème génération, a été de dépoussiérer cet historique métier de tailleur-confectionneur, en faisant briller le savoir-faire artisanal grâce aux solutions et outils digitaux les plus modernes.
Notre stratégie de vente directe nous a permis de rester implantés à Florac, au cœur des Cévennes, en proposant grâce au web l’intégralité de notre vestiaire en France mais aussi à l’international.
Comme je vous disais «les mains qui travaillent sont les mains qui vendent». La suppression des intermédiaires est une manière éthique et responsable de vendre au prix juste puisque la totalité du prix de vente revient à l’atelier. Ainsi, nous garantissons que la main-d’œuvre soit rémunérée convenablement et puisse travailler dans de bonnes conditions .
Cela a été notre stratégie et notre pari gagnant pour relancer cette manufacture centenaire tout en la modernisant. Nos produits sont actuels et tendance répondant ainsi à des styles urbains et classiques.
Nous avons eu en effet beaucoup de transmission de la part de la génération précédente (patronnage, archives des coupes des années 60 à 80, travail de tailleur, formation autour de la coupe et de la confection…), des professionnels qui sont d’ailleurs toujours à nos côtés dans l’atelier.
Vous avez parié sur des fibres locales et naturelles, comme le chanvre, le lin ou la laine. Quel est le processus de sélection, comment choisissez-vous vos partenaires ?
Nous sommes persuadés que dans 20, 30 ou bien 50 ans, il sera beaucoup plus difficile de faire voyager du coton, la fibre végétale la plus économique utilisée dans l’univers du textile mondialisé. Et notre bon sens, comme celui de nos ancêtres, nous a fait opter très tôt pour des fibres «plus» locales comme le chanvre, le lin, la laine qui sont des ressources présentes sur le territoire. Et notamment la laine et le chanvre de notre région Occitanie.
Lors de notre reprise, les filières françaises étaient moribondes. Nous avons redynamisé le textile «100 % écologique, éthique et citoyen» avec la SCIC VirgoCoop, une Société Coopérative d’Intérêt Collectif dont nous sommes sociétaires fondateurs avec d’autres personnes formidables comme Mathieu Ebbesen. Nous étions tous animés par nos engagements pour une mode responsable en changeant fondamentalement les systèmes en place dans l’industrie textile.
Le chanvre, le lin sont des plantes environnementalement très intéressantes (peu gourmandes en eau, pas d’intrants chimiques, poussant bien sur le territoire français). Le plus dur a été de réinternaliser les étapes à suivre pour obtenir de la fibre un fil qui servira ensuite au tissage. Nous avons beaucoup travaillé et investi au côté de VirgoCoop pour coordonner tout cela. Depuis peu, une usine de défibrage est fonctionnelle à Caylus dans le Tarn, proche d’une grande chanvrière. C’est unique en France.
La laine est une ressource locale qui a toujours été présente en abondance en Lozère. C’est une laine rustique issue des brebis Lacaune (filière laitière). Cette laine était depuis des années considérée comme un déchet, un sous-produit. Nous avons donc inversé la vapeur puisque nous rodons depuis 4 ans une vraie filière de revalorisation. Un cahier des charges des bonnes pratiques, un groupement d’éleveurs motivés, une équipe de tondeurs, coordonnés ensemble avec VirgoCoop, qui nous permet de récolter 13 tonnes de laine brute, achetées à l’éleveur 5 fois le prix du marché.
Ensuite, le tout est lavé à Saugues, en Haute-Loire, filé en Ariège à la filature de Dreuilhe. Le tissage s’effectue dans l’atelier Tissages d’Autan à Castres dans le Tarn, tout comme la teinture à Aussillon chez les Etablissements Plo.
Patrons digitalisés, mais découpe manuelle. Comment ces deux techniques se complémentent-elles ?
Ce sont deux choses indépendantes. Le virage digital fait il y a 7 ans à la reprise nous a permis de continuer notre développement. L’artisanat est toujours très présent car nous avons conservé et ancré les patronages issus du travail de nos aïeux (leur technique d’indus, leur coupe, leur gradation…). Mais nous avons adapté cet héritage à des pratiques plus modernes, qui nous font gagner du temps aujourd’hui et nous permettent d’être compétitifs sur le marché de l’habillement et de la mode, tout en proposant plus de 70 références aujourd’hui dans notre vestiaire.
Il faut, quoi qu’il en soit, une expertise et la main de l’homme pour travailler les placements numériquement, matelasser et procéder à une coupe manuelle précise. Cette façon de faire correspond bien à nos pratiques de fabrication au sein de notre atelier aujourd’hui... (suite dans la 2ème partie).
Remerciements à Myriam pour sa collaboration à cet article et pour son accueil et visite guidée personnalisée de l'atelier.
Crédit photo Myriam et Julien©Ben Perrier, Crédit photo Atelier©O.F Visuels.
La bonne adresse : Atelier - Boutique TUFFERY, ZA Saint-Julien-du-Gourg, 48400 Florac. Ouvert du lundi au samedi de 9h à 12h et de 14h à 19h. Boutique de Montpellier - Atelier TUFFERY, 13 boulevard du jeu de paume, 34000 Montpellier. Boutique ouverte du mardi au samedi de 10h à 19h. Retrouvez l'@Atelier de Tuffery sur Instagram et sur Facebook.