Zoom sur deux tableaux majeurs de la cathédrale Saint-Théodorit
Brigitte Chimier, conservatrice du musée Georges Borias à Uzès, a réalisé en 2006 un livret sur les toiles des églises Saint-Théodorit et Saint-Etienne.
Elle partage avec UzEssentiel la présentation de deux tableaux, la Résurrection du Christ et la Résurrection de Lazare, du peintre Simon de Châlons.
Simon de Châlons
L’artiste, également connu sous le nom de Simon de Mailly, est « né à Châlons-sur-Marne… Un des rares peintres actifs en Provence au 16e s dont le nom ait été transmis, sa présence à Avignon est attestée dès 1532.
Son art, une synthèse curieuse bien que non dépourvue de charme entre influences flamandes et italiennes (Raphaël en particulier), se rattache au courant du Maniérisme ».
Les toiles
« On ne sait pas qui a commandé ces peintures, ni si elles ont été conçues dès l’origine pour former une paire. Les personnages tronqués, sur les bords de la Résurrection de Lazare (1556), ainsi que l’ange en haut à droite de la Résurrection du Christ (1550), indiquent que les tableaux ont été recoupés.
Au début du 19e s, les deux Résurrections étaient la propriété de l’abbé Chambon de la Tour, prêtre de la paroisse Saint-Théodorit d’Uzès ». Quittant la France pour la Louisiane en 1810, il lègue dans son testament « deux tableaux de Simon à l’ancienne église cathédrale d’Uzès ».
« D’où tenait ces tableaux l’abbé Chambon de la Tour ? De l’Uzège, ou de la région avignonnaise alors qu’il était prêtre du diocèse d’Avignon (entre 1801 et 1821 le Gard et le Vaucluse formaient le diocèse d’Avignon) ? »
On apprend que « parmi les tableaux des églises et couvents d’Avignon déposés à l’Archevêché pendant la Révolution, l’érudit Esprit Calvet mentionne en 1797 des tableaux de Simon de Châlons, dont une Résurrection de Lazare, de l’église Saint-Agricol et une Résurrection du Christ, des Récollets. S’agit-il des mêmes ? Le peintre aimait en effet ce thème ».
Le thème des tableaux
Les deux toiles « semblent se répondre par le choix des thèmes voisins, la résurrection d’un mortel et celle du fils de Dieu. Le retour à la vie de Lazare est considéré comme préfigurant la résurrection promise à tous les croyants lors du Jugement dernier ».
La Résurrection de Lazare
Selon l’Evangile selon Jean II, I-44, lorsque le Christ arrive, Lazare est déjà mort - le cadavre sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là (Jean II, 39).
Dans son tableau, « Simon n’hésite pas à évoquer la puanteur du mort, par le geste de la femme qui se couvre le nez d’un voile. Les nombreux personnages entassés à l’arrière-plan donnent une impression de confusion, l’un d’eux est même grimpé sur un arbre pour mieux voir le miracle. Le personnage situé sur le côté gauche pourrait être le donateur du tableau : sa tenue noire, son bonnet carré, évoquent le costume d’un ecclésiastique du 16e s ».
La Résurrection du Christ
« La Résurrection, avec le Christ planant au-dessus du tombeau ouvert et entouré des Saintes Femmes et des gardes, n’apparaît qu’au 16e s. En effet, les Evangiles se bornent à raconter que les Saintes Femmes, arrivées au tombeau, le trouvent vide et qu’un ange leur annonce que le Christ est ressuscité. Les peintres ont eu tendance à assimiler la Résurrection avec l’Ascension du Christ (qui n’a pourtant lieu qu’après un séjour de quarante jours sur terre), puisqu’ils le montrent passant directement du tombeau au ciel.
Sur le côté gauche du tableau, le groupe des Saintes Femmes venues porter des aromates pour embaumer le corps du Christ, suit le geste de l’ange qui leur désigne le tombeau vide et le linceul abandonné.
Sur la droite, les soldats affectés à la garde du tombeau sont frappés de stupeur à la vue du Christ flottant dans les airs, nimbé de lumière et soutenu par les animaux symbolisant les Evangélistes. Les inscriptions en latin portées par les angelots correspondent aux paroles prononcées par l’ange. Simon indique comme source l’Evangile selon Matthieu, mais le texte est plus proche de Marc (16, 6-7) : Il est ressuscité, il n’est point ici ; voici le lieu où on l’avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez ».
Parmi les autres tableaux de Saint-Théodorit
D’autres tableaux sont à remarquer à Saint-Théodorit, comme la Descente de Croix (1824) de Jean-Louis César Lair (1781/1828), grand spécialiste des grandes compositions religieuses commandées par l’état pour orner les églises. Bien qu’un tableau représentant Saint Théodorit eut été plus apprécié par le Conseil de fabrique de la paroisse, le choix de l’Etat resta ferme.
Il y a aussi La Mort de Saint Joseph, un anonyme du 19e s, offert par le baron de Castille au début du 19e. « L’artiste n’a pas oublié de représenter un rabot au premier plan, à gauche, afin de rappeler que Joseph a travaillé jusqu’à son dernier jour. Encadré par le Christ et la Vierge, le saint est couronné de fleurs par un ange ».
La conversion du Gévaudan par les prédications de Saint Firmin et Le Martyre de Saint Théodorit, tous deux offerts par le rentier uzétien Paul Foussat, sont tous les deux attribué au nîmois Louis Auguste Simil (1822/1906).
Remerciements à Brigitte Chimier, conservatrice du musée Georges Borias (lire notre article), à Uzès.
Photographies © Daniele Amoroso.
Extraits du livret de Brigitte Chimier, Les tableaux des églises d’Uzès, 2006.