Sandrine Cnudde, poète, photographe, randonneuse
UK - Poète, photographe, Sandrine Cnudde fut jadis jardinière et paysagiste. Mais sa « nature nomade » prend vite le dessus et l’incite, dès 2006, à partir à l’étranger à la découverte du monde qui l’entoure.
Un besoin de liberté, de changement de décor, l’entraîne de la Norvège à l'Ecosse et, plus près de nous, du côté de la Corrèze, de la Lozère et des Pyrénées...
Besoin d’écrire, de témoigner, de photographier, pour partager son ressenti, son vécu, sa perception du changement, de l’ailleurs. « Son écriture, basée sur la liaison humain/paysage/animal, retrace la vision d’un monde en mouvement et ouvre sur le voyage intérieur ».
Poète, marcheuse et tellement plus
Alliant écriture à la photographie, Sandrine Cnudde chausse aussi bien les boots qu’elle attrape son carnet pour y glisser ses pensées, ses idées.
Les photographies sont le lien idéal entre sa vision particulière de ce qui nous entoure et les spectateurs immobiles que nous sommes, friands de nouvelles sensations et de découvertes.
Les paysages sont ainsi immortalisés par des clichés qui transmettent une vie intérieure à nulle autre pareille, comme une initiation à un autre monde.
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« Chaque voyage est motivé par un questionnement autour d’un lieu ou d’un rapport au lieu. Au retour, elle travaille la mise en forme de ses collectes dans un esprit révélateur des espaces invisibles, des liens silencieux qui unissent les hommes à leurs territoires ».
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RENCONTRE
Bonjour Sandrine,
Ravie de vous rencontrer pour la rubrique Portraits d’UzEssentiel,
Depuis votre premier reportage photographique à la fin des années 80, vous avez plusieurs fois changé d’orientation professionnelle…
« En effet, je me suis tout d’abord formée à l’horticulture. La composition paysagère, l’attention portée aux détails, la muséographie abordée également au sein de mes études, tout comme le fait de comprendre l’extérieur et imiter l’espace m’ont donné les bases nécessaires à la création de mon agence paysagère.
La photographie, c’est un peu ça aussi. Communiquer l’émerveillement, l’irréel, la fascination pour la diversité du monde qui nous entoure. L’humain, quant à lui, est venu petit à petit dans mon travail.
La poésie est venue aussi au fur et à mesure. Je participe d’ailleurs à présent à des ateliers de lecture, d’écriture, qui donnent un élan différent à mes créations, une dimension encore plus tournée vers le partage ».
Au commencement étaient la photographie et les voyages. Puis vint l’écriture…
« L’union de ces trois disciplines est tout à fait passionnante. Le dessin, l’aquarelle que je pratiquais tout au début se sont estompés au profit de la photo argentique puis, au tournant des années 2000, de la photo numérique. Cela s’est fait naturellement, simplement.
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Etre témoin du présent, du quotidien, transmettre son émotion
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Mes virées en extérieur, à la belle étoile ou sous la tente, sont l’occasion de perfectionner aussi mon approche de la nature. J’ai appris en parallèle à mes voyages à « survivre » en extérieur, participant à quelques stages de survie, pour être prête à tout et ne surtout pas interférer avec l'environnement ».
Vous être connue, reconnue comme une poète marcheuse… Est-ce une appellation que vous adoptez avec plaisir ou vous considérez-vous plutôt comme une photographe voyageuse, une reporter globetrotter en quelque sorte ?
« Poète marcheuse… Oui, cela correspond assez bien à mon cursus actuel. La marche engendre l’écriture, qui se décline en poésie. J’aime offrir au travers de mes reportages un peu des paysages que j’ai traversés. Je raconte mes pérégrinations en Inde, en Alaska, en URSS, au Mexique, aux Pays-Bas (c’est en 2007 l’Eauland Prospekt, la marche sur l’eau, 900 km à pied sur le littoral hollandais face à la montée des eaux liée au changement climatique. et les solutions envisagées pour le contrecarrer)… mais aussi au cœur des régions françaises, comme la Lozère…
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« Marcher en solitaire me permet de me ressourcer, d’approfondir mon sentiment de liberté, m’offre ce qu’il faut d’affranchissement du monde extérieur pour puiser l’inspiration de mes poésies. Une femme ne doit pas hésiter à partir seule sur la route, dans la nature. Il n’y a pas de risque particulier à cela, si l’on est bien préparé, attentif à ce qui nous entoure… »
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Mon dernier projet ? La lecture chez des paysans, naturellement ouverts à la discussion et aux récits…
Ces rencontres se soldaient souvent par de grandes tablées, où voisins et amis nous rejoignaient. Des moments d’une rare intensité, dont mon livre retrace les grandes lignes, un témoignage de la vie rurale.
Aujourd’hui, j’aime me concentrer sur un lieu, le moment présent.
Après avoir vécu dans l’Aubrac, collaborant pendant des années avec Philippe Bras, grand amateur des herbes comestibles, toute une philosophie et une parenthèse créative soit dit en passant, sans compter mon stage chez l’ethnobotaniste et écrivain François Couplan, je me suis recentrée à Uzès, mon pied à terre, ma base arrière en quelque sorte, où je me ressources avant mes prochaines excursions ».
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« La poésie, c’est un peu tracer des chemins à soi… Je me suis trouvée avec mon écriture »
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Comment choisissez-vous les sujets de vos reportages ? Qu’est-ce qui vous titille le plus dans le monde et vous incite à choisir telle ou telle destination?
« Je me souviens de la ceinture boréale et de la vie des inuits. Une vie incroyable, où manger, s’habiller, avoir une famille acquiert une tout autre dimension dans ces paysages extrêmes. Témoigner fait partie de mon idéal, bien que les peuples de ces régions préfèrent rester isolés, ne recherchent pas ce qu’ils considèrent comme une appropriation de leur culture.
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« On transgresse quelque chose quant on va dans les pays froids »
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C’est un peu ce qui s’est passé pour mon livre sur Les nuits de Lozère.
Pour ce qui est de mon livre Dans la gueule du ciel, je me suis attardée sur le travail d’un poète danois. L’éditeur de ce livre est un chantre de la photographie, qui la considère comme une sorte de langage, d’écriture. Je l’ai rencontré lors d’un salon à Aix-en-Provence. Il a créé pour mon projet une collection à part entière, ad hoc pour ce genre de projet, la collection Light Motiv, centrée sur le témoignage, le territoire.
Ce témoignage se révèle aussi dans les sessions de lecture que j’anime dans les médiathèques et autres bibliothèques ».
Sandrine Cnudde en quelques dates
Premier reportage photographique en 87, architecte-paysagiste en 94, guide-jardinière pour le cuisinier Michel Bras à Laguiole sur le plateau de l’Aubrac en 96, arrivée à Uzès en 99…., artiste à plein temps dès 2006.
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2010 : On my (Nor)way, au pays du poète norvégien Olav Hauge, une marche d’un mois autour du village d’Ulvik, un premier recueil de poèmes édité aux Editions Tarabuste septembre 2012, Le vide et le reste.
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De l’écriture aux livres...
Le vide et le reste, un « parcours poétique sur les traces du poète norvégien Olav Hakonson Hauge », Habiter l’aube (2016) « une longue marche nocturne baptisée de pluie et de brouillard sur les terres (pré)historiques de la famille de son père disparu, chères à son enfance », Dans la gueule du ciel (2018) sur une communauté inuite au Groenland.
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« Le vent revient avec les bonnes réponses »… Olav Hauge
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En projet peut-être aussi, un livre qui me tient à cœur, sur l’explorateur normand Dumont d’Urville (1790/1842), auteur de 3 tours du monde en bateau, grand passionné de sciences, et en particulier de botanique. Ses mémoires, terminées par un de ses proches collaborateurs, nous entraînent à ses côtés dans ses expéditions, captivantes.
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Le saviez-vous ? La station française Dumont d’Urville (DDU) porte le nom de l’amiral, le premier à avoir posé le pied en Antarctique, en 1840. Elle a été inaugurée en 1956 sur l’île des Pétrels en Terre Adélie, nommée quant à elle d’après le prénom de son épouse, Adèle.
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Avant chaque marche, chaque expédition, il faut d’abord nourrir l’esprit et savoir s’appuyer sur le passé pour continuer le chemin. Le sujet choisi, il faut s’imprégner de l’endroit au travers de la lecture, mener une enquête sur le lieu, étudier les cartes géographiques, la toponymie, l’ethnologie, les contes, si précieux pour recueillir un peu de l’âme du peuple qui vit sur le territoire à explorer.
Il ne faut surtout pas oublier de conserver précieusement et de partager dans chaque livre, une bibliographie importante, comme un lien entre le passé et le présent.
En plus de cela, j’ai eu envie de communiquer autrement mon attachement aux mots. De là est née la revue bimestrielle de photographie et poésie Vinaigrette (2020), qui se présente sous la forme d’un petillant pli qui vous attend dans votre boîte aux lettres. Un format ludique et différent, la participation d’un auteur, d’un photographe, qui apporte sa propre vision du monde.
Mais Sandrine Cnudde, c’est aussi
Des résidences, comme ce fut le cas au Jardin des Panrées dans les Vosges en 2021. Il y a eu aussi celle organisée avec l’Association l'Antre Lieux dans le Vaucluse, pour le projet « A travers vignes », une aventure menée « en compagnie du créateur sonore Yann Magnan et les élèves de BTS du Lycée viticole d'Orange » en 2022. Des interventions et un partenariat des plus enrichissants.
Remerciements à Sandrine Cnudde pour sa collaboration à ce portrait.
Vous voulez en savoir plus ? Retrouvez Sandrine Cnudde sur son blog.