Sculpture, peinture, gravure, Trois artistes pour Trois histoires
UK - Quand le Domaine de Malaïgue devient scène de théâtre et galerie d’art tout en accueillant une séance dédicace, cela promet de bons moments de découverte.
Cela nous donne également envie de mieux connaître le parcours des trois artistes de cette exposition plurielle, qui se réunissent dans un lieu champêtre porteur d’art.
Trois formes de création artistique, trois regards sur le monde aussi et en particulier sur la nature qui nous entoure….
RENCONTRE
En premier lieu, voici Suzie Bouët (@suziesiouz) passée maître dans les sculptures en fer découpé, véritable dentelle métallique, aérienne.
L’artiste « façonne le vide pour révéler le plein et passer de la rude froideur du métal à la légèreté et à la délicatesse de l’œuvre ».
Vous exposez aux côtés de Laurent Gremillet et Samy Abesdris. En quoi leurs démarches artistiques complètent-elles la vôtre ?
Nous apportons tous les trois notre touche personnelle par rapport à notre appréhension du monde.
Je pense que chacun de nous est un explorateur à sa façon. Chacun vient questionner notre lien au vivant avec son propre univers et sa propre sensibilité...
Depuis quand travaillez-vous le métal ? Avez-vous toujours été artiste ? Quelle a été votre formation ?
J'ai découvert la découpe du métal au plasma assez récemment, en 2021 en regardant les sculptures d'un artiste uzégeois et le rendu qu'offrait cet outil m'a tout de suite attirée.
Quant au dessin, il m'accompagne depuis l'enfance. C'est ce qui m'a amenée à suivre une formation aux Beaux-Arts de Nîmes, que j'ai terminée en 2010.
C'est peut-être d'ailleurs, cela aussi, notre lien à tous les 3, nos années passées aux Beaux-Arts dans des villes et à des moments et des époques différents.
Si la découverte du travail du fer et de la soudure m'avait interpellée, je n'étais pas allée très loin dans ce domaine, bien que j'ai toujours récolté et conservé du métal rouillé dans l'idée de lui donner une deuxième vie un jour.
Puis des envies de voyages, deux enfants à élever... m'ont fait recentrer mon énergie tout en gardant la création dans un coin de ma tête. Ce sont surtout pendant ces 4 dernières années que l'élan est revenu au contact d'un ami venu me demander d'illustrer ses poèmes. Encore une belle collaboration.
Vos thèmes rappellent l’humain, la communion avec la nature…
En effet mes thèmes, récurrents, se révèlent très portés vers l’humain. Mes sculptures réveillent de manière métaphorique le dialogue entre ombres et lumières que nous portons en nous. C’est un peu ma manière personnelle et originale d’apporter de la douceur et de la sérénité à la complexité. Pendant tout une période, je dessinais une figure humaine dans un environnement naturel, en paix.
Mais cette tendance ne m'étonne pas. Etant issue d'une famille de maraîchers en agriculture biologique, j'ai toujours eu les pieds dans la terre et la façon dont l'homme agit avec le vivant était toujours questionné.
Le découpage du métal vous rappelle-t-il celui du papier peut-être, que vous exercez aussi. Cependant, les exigences sont toutes autres, n’est-ce pas ? Les thèmes que vous abordez en papier sont-ils les mêmes que ceux qui inspirent vos créations en métal ?
Entre le fer et le papier, l'approche du dessin reste la même : il faut toujours concevoir des traits fermés. En un mot, il faut que cela « se tienne ».
Mais quand, dans un cas, la création, soumise à l'enjeu et à l'incertitude du résultat, engage mon corps tout entier, dans l'autre cas, la découpe du papier est faite au laser, entraînant une possible reproductibilité et donc, une sorte de routine.
Mes autres projets ? Et bien, vaste sujet ! Continuer à laisser place aux sentiers de mon imagination...
Voici à présent Laurent Grémillet (@l
Vous vous définissez comme un artiste non assidu, non conventionnel.
Installations éphémères en extérieur parmi d’autres projets vous entraînent vers des expositions communes, plurielles, comme c’est le cas au Domaine Malaïgue, où vous exposez 12 encres.
Vous aimez par-dessus tout le partage, l’interaction avec l’autre, au sens large du terme. En a-t-il toujours été ainsi ?
Oui, exactement. L’interaction et le partage sont les aspects les plus importants de mon art il me semble.
De plus, le fait d’avoir exposé des installations éphémères en extérieur sur 1 ou 2 jours, crée un rapport différent avec l’art. Il s’en trouve plus libre et ouvert à tous. Ce que j’en ai personnellement retenu, c’est que l'on supprime tout rapport de possession/propriété, il n’y a plus de valeur ! Seulement un ressenti éphémère, uniquement pour le public .
Au Domaine de Malaïgue, ces 12 encres sont comme une parenthèse mais je compte aussi ajouter une installation éphémère dans une cuve, pour établir une sorte de dialogue éphémère avec la précédente artiste Tamara Morisset qui est venue cet été exposer ses installations.
Quelle a été votre formation artistique ? Ecole d’art ou bien autodidacte comme beaucoup d’artistes, ce qui apporte d’ailleurs une touche très personnelle à leurs œuvres...
En réalité, tout a commencé avec un BEP Agricole en horticulture et techniques du paysage. Mon professeur d'architecture me voyant très impliqué m'a suggéré de continuer mes études dans une école d'architecture des jardins. J'ai intégré en parallèle un atelier de gravure après avoir découvert les célèbres gravures « Carceri » (Les Prisons Imaginaires), une série d'estampes de Giovanni Battista Piranesi, et j'ai passé le concours de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en section gravure, d’où je suis sorti diplômé.
Par l'intermédiaire de mon ami violoniste Darío Perez et de son père, le plasticien cinétique Darío Pérez-Flores, j'ai eu l’opportunité d’intégrer l’atelier parisien de l’artiste cinétique vénézuélien Carlos Cruz-Diez en tant qu’assistant. Cette rencontre fut majeure, riche et décisive sur la dialectique picturale.
Directeur artistique dans la publicité pendant de nombreuses années, j'y ai trouvé une source de création inépuisable et stimulante.
Aujourd’hui, je me partage entre mon travail dans les vignes au Domaine de Malaïgue, mes créations végétales, l'apprentissage du didgeridoo, cet instrument d'origine arborigène, la conception d’installations éphémères et... quelques « parenthèses encrées ».
A propos de ces dernières, on note un rappel constant à la nature, au végétal… Où puisez-vous votre inspiration ? Quels supports sont les plus à même de répondre à vos créations ?
Ma démarche artistique repose sur la création d’interactions de souvenirs, une exploration intime de la mémoire et de l’émotion. Le projet exposé au Domaine de Malaïgue se compose de 12 œuvres uniques, réalisées à l’encre de Chine et à la plume, un retour à mes premières amours artistiques, en hommage à mon passé de graveur et aux noirs profonds qui ont marqué cette pratique.
Ces créations s’inspirent de plusieurs sources personnelles et artistiques. Tout d’abord, il y a la botanique, qui apporte un ancrage naturel et vivant à mes œuvres. Ensuite, mes souvenirs d’enfance nourris par la lecture du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne dont les illustrations en noir et blanc m’ont profondément fasciné et influencé. Enfin, mon adolescence a été marquée par des moments de réflexion, notamment après avoir entendu le discours sur l’humanité prononcé par Charlie Chaplin à la fin du film Le Dictateur, en particulier la fin du discours qu’il adresse à Hannah.
Toutes ces influences diverses se rencontrent et se répondent dans ces 12 encres, créant des dialogues visuels qui interrogent notre rapport au temps, à la mémoire et à l’expérience humaine. Chaque pièce est une parenthèse, une fenêtre ouverte sur un univers de contrastes et de nuances, de lumière et d’ombre, et d’espaces de contemplation.
En dehors de vos encres, quelles autres techniques utilisez-vous, dans quels autres domaines exercez-vous vos talents d’artiste ?
Je n’ai pas de technique particulière, elle s’adapte plutôt en fonction des inspirations. Ces dernières années, mes installations éphémères se plaçaient en extérieur avec des techniques très différentes les unes des autres.
Quels sont vos projets à venir ?
Il y en aura certainement de nombreux mais ils viendront à un moment où on ne les attendra pas !
Pour finir, nous donnons la parole à Samy Abesdris (@samy_graveur) dont les peintures et gravures, comme « sa série Nature Forte, rappellent que depuis bien longtemps les humains se sont attribué une position de domination de la nature et se sont octroyé une sorte de droit de tirage sans limites ».
Vous vous définissez comme un artiste « explorateur ». En quoi cela définit-il vos créations ?
Mes créations sont toujours fondées sur des thèmes auxquels je travaille depuis plusieurs années.
Pour chacune, j’aime remettre en question tant le support, l’approche et la technique de réalisation. Selon moi, lier un artiste à un style, c’est malheureusement voire injustement réduire toute une vie consacrée à la création.
Peinture, gravure… Vous avez choisi des voies artistiques assez voisines. Comment vous êtes-vous formé à ces arts et techniques ?
Comme tous les artistes, j’ai commencé par le dessin. Puis le besoin de couleurs s’est imposé, avec la peinture. Quant à la gravure, c’est à l’Ecole du Louvre de Paris que je la découvre vraiment et c’est à l’atelier d’édition de gravures PASNIC, toujours à Paris, que je me perfectionne. Maintenant je les associe librement pour encore plus de possibilités créatives.
Vous considérez, comme c’est le cas avec la série citée précédemment Nature Forte, que le rôle de la nature est de rappeler à l’homme que le monde se doit d’être partagé… Cette implication naturaliste a-t-elle toujours été au centre de vos créations ?
Non, cela n’est pas toujours le cas… Comme tout le monde, il m’a fallu du temps pour mûrir ma sensibilité à cette question. Mon militantisme intellectuel a essentiellement été tourné vers les humains en oubliant, en effet, la nature. J’espère qu’il n’est pas trop tard.
Entre peinture et gravure, y a-t-il pour vous un art plus puissant qu’un autre pour lancer votre message ?
Ils sont différents et complémentaires. La peinture est forte et puissante, la gravure est fine et subtile. Une œuvre doit cependant être capable de suggérer et laisser libre l’interprétation.
Vous exposez au Domaine de Malaïgue de façon collégiale. Est-ce toujours le cas et en quoi se joindre à d’autres artistes se révèle pertinent, complémentaire peut-être ?
Je participe rarement à des expositions collégiales. Mais quand cela arrive, comme celle que nous partageons au Domaine avec Suzie Bouët et Laurent Grémillet, chacun de nous raconte une histoire à sa façon. C’est plaisant de savoir que le public sera invité à interpréter les œuvres et identifier les liens qui les rassemblent.
Quels sont vos projets ? Une nouvelle série de gravures ?
Mon projet artistique à court terme ? Achever et exposer prochainement une série de gravures intitulée « Les Jacqueries » sur le thème des soulèvements populaires sociaux et sociétaux. Vaste programme.
Vifs remerciements à Suzie Bouët, Laurent Grémillet et Samy Abesdris pour leur collaboration à cet article.
La bonne adresse : Retrouvez les artistes sur Instagram Suzie Bouët @suziesiouz, Laurent Grémillet @laurent.gremillet, Samy Abesdris @samy_graveur.