Juan Gamarra et Le fournil vagabond
UK - Le pain est depuis toujours un aliment intrinsèquement lié à la vie de famille, au goût des choses simples et goûteuses.
Plaisir indéniable s’accordant à merveille à toutes les tables et à tous les budgets, le pain est une composante unique tout autant que multiple de nos repas. De la simple tartine au pain de campagne, il sait se rendre indispensable.
C’est peut-être cela qui a attiré Juan Gamarra, qui s’est lancé il y a quelque temps, dans une entreprise très personnelle, un fournil itinérant. Allons le retrouver pour en apprendre plus…
RENCONTRE
Bonjour Juan,
Bienvenu dans les pages de la rubrique Terroir du blog.
Nous avons découvert votre projet lors de la réalisation de notre article sur l'ADIE, à Alès.
En quelques mots, pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous est venue l'idée de créer une boulangerie itinérante ?
Je suis arrivé en France d'Argentine en 1998... J'y avais étudié le droit et travaillé dans les bidonvilles et comme visiteur de prison... C’était avant tout un engagement social, humanitaire...
Depuis mon arrivée en France, j'ai appris la langue, suivi des études d’histoire, d’espagnol... Sont ainsi venus un master, un CAPES... et une vocation naturelle vers l’enseignement, la transmission, la culture.
A la naissance de mon fils, j'ai souhaité démissionner de l’Education Nationale et retourner sur les bancs de l'université pour un master en Relations internationales, à Sciences Po Lyon.
Depuis lors, la question de la terre me touche. Je me suis ainsi intéressé à l’agroécologie, à l’autonomie, à la préservation des ressources. Je voulais être un père engagé, capable de faire beaucoup de choses. Après de nombreuses expériences à Cuba au sein de la FAO (Food and Agriculture Organization), j'ai continué ma formation en agriculture urbaine, à Semailles, à Avignon (chantier d’insertion par l’agriculture biologique), à l’Ecole Montessori d’Avignon avec un projet de Jardin-forêt et d'autres expériences de culture de la terre (et de mon âme et de mon esprit...).
Le confinement m’a donné du temps pour réfléchir, prendre du recul, regarder ce qui est essentiel, fabriquer un four en briques/argile, démarrer mon apprentissage, mon observation, concrétiser mes envies et découvrir une passion. En somme, être en cohérence avec mes idées, les mettre en pratique, toucher la pâte, mettre la main à la pâte !
Vous avez dû vous former à la boulangerie, faire des stages. Combien de temps a nécessité la préparation de votre projet ? Quelles sont les aides professionnelles qui ont permis la concrétisation de votre entreprise, en dehors du soutien de l'ADIE ?
En effet, 3 années de préparation et d’apprentissage ont été nécessaires, de même que quelques stages chez des boulangers et paysans boulangers du coin.
Une première formation à l’EIDB (Ecole internationale de boulangerie), une autre à l’Atelier Paysan (coopérative d'autoconstruction) pour apprendre à construire mon four en métal puis, en 2022/2023, la préparation du CAP boulangerie, avec l'obtention du diplôme en juin.
Pour finir, une campagne de financement participatif afin de pouvoir acheter le kit pour fabriquer le four et le soutien de l’ADIE, que vous avez mentionné précédemment, m’ont permis de lancer mon projet.
Votre fournil s'installe sur de nombreux marchés de la région. Où peut-on vous retrouver ?
Vous pouvez actuellement me retrouver sur mon principal marché, à Villeneuve-lès-Avignon, les jeudis matins. J’ai démarré également le marché de producteurs des Allées de l’Oulle à Avignon tous les lundis soirs. Et puis, mention spéciale à Botanic®Villeneuve-lès-Avignon qui m’a soutenu et accueilli pour le lancement de mon activité.
J’aimerais aussi mettre en place un système de commandes avec un engagement à l’avance en mode panier, avec des points de retrait, ce qui me permettrait d’avoir une avance de trésorerie et de mieux planifier ma production.
Des collaborations ?
Le fournil vagabond n'étant pas une boulangerie classique, je travaille en totale liberté, ou presque. Je ne souhaite donc pas de local, de fond de commerce, de crédit, de salariés, qui pourraient m’éloigner du pain et de ses valeurs, des clients et du lien tissé avec eux... Etre obligé de travailler nuit et jour pour payer un crédit, ce serait pour moi comme dénaturer mon projet.
Pour autant, je ne suis cependant pas opposé à toute collaboration, que cela soit avec d’autres boulangers et/ou collectifs travaillant avec les mêmes valeurs et les mêmes objectifs. Le projet du Fournil Vagabond est toujours en construction, en consolidation et pourquoi pas en évolution.
Vous revendiquez un pain en conscience...
En effet, faire un pain de qualité en utilisant de bonnes farines est, pour moi, une priorité, pour un pain choisi et apprécié par les clients. Un pain en conscience est un pain presque politique, fait à la maison, dans mon atelier (que je souhaite agrandir), cuit dans mon four à bois (qui consomme seulement deux brouettes de bois par journée de travail, donc très économique et autonome, très loin des factures astronomiques et polluantes des boulangeries classiques avec fours électriques).
Pour résumer, un pain local répondant à un cahier des charges strict, artisanal et une production limitée... Sans compter une nette réduction des charges, de faibles investissements, une empreinte carbone très faible et une qualité de vie choisie pour une sobriété heureuse, avec une quête de sens et une mise en pratique au quotidien de cet idéal.
Un fournil itinérant, un four au feu de bois, traditionnel... Et des farines et graines avec une touche locale et biologique.
En effet, je ne travaille qu'avec le Moulin Saint-Joseph, à Grans (près de Salon-de-Provence) qui me fournit en farines issues de blé produit dans le Gard, le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence... par des paysans engagés dans la culture d'espèces anciennes comme le petit épeautre, le khorasan, la touselle, la saissette, le rouge de Bordeaux, le Barbu de Roussillon.
Les farines sont fraîches, plutôt complètes et/ou intégrales. L'aspect nutritif est très important. Le levain est pour beaucoup dans la qualité du pain, sa conservation, son caractère digeste.
Ces farines demandent du temps, de l'observation. Nous sommes très loin des farines mixtes toxiques proposées par les boulangeries conventionnelles, créées pour la mécanisation et la vitesse de fabrication du pain. Mon pain est BIO et certifié par le logo AB.
Un autre pain (et un autre monde) est possible
|
La prochaine étape ?
Fabriquer cet été un four plus grand, du même modèle que l'actuel mais avec une capacité de 50 kilos de pain par fournée. Cela me permettra de faire de nouveaux tests, avec d’autres mélanges... et d'élargir ma gamme de produits, pour offrir une plus grande variété de pains, de viennoiseries.
Sachant qu'en Argentine, on utilise beaucoup la pâte de coing et la confiture de lait, en plus du chocolat et de la crème pâtissière, à terme, cela pourrait être une idée que de proposer de nouveaux produits avec ces ingrédients et, pourquoi pas, quelques délicieuses empanadas, qui seront comme un petit clin d'œil à mes racines argentines.
Un commentaire à ajouter peut-être ?
Mon projet est une aventure commencée il y a longtemps par mes engagements successifs. C’est un cheminement qui se poursuit chaque jour.
Outre la construction de mon nouveau four et la création de mon atelier, je cherche aussi des terres en prêt ou en commodat, pour pouvoir cultiver moi-même mes blés. Je profite donc de votre article pour lancer un appel : si quelqu’un souhaite participer à mon projet et proposer des terres disponibles, je serais heureux de pouvoir y planter du blé !
D’ici septembre aussi, je voudrais mettre en place le deuxième volet du projet, développer et proposer des ateliers pain au sein des écoles, maison de retraites, associations, événements sportifs, etc. Le Fournil Vagabond est un projet bio, local et engagé...Il s’inscrit dans l’air du temps et se veut acteur de la transition en cours et témoin des changements nécessaires.
J’aimerais beaucoup aussi participer au marché des producteurs d'Uzès mais, pour le moment, je dois encore contacter les organisateurs pour proposer mon offre...
Vifs remerciements à Juan Gamarra, pour sa collaboration à cet article.
La bonne adresse : Le Fournil Vagabond de Juan, Chemin de Saint Anthelme, 30131 Pujaut. Tél : 06 63 67 84 46, Juangamarra@hotmail.com. Sur les marchés : à Villeneuve-lès-Avignon, les jeudis matins, sur le marché de producteurs des Allées de l’Oulle à Avignon tous les lundis soirs, à Botanic®Villeneuve-lès-Avignon.